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Expulsions foncières: une adolescente abattue par les forces de police

Heng Chanta veillée par sa mère lors de la cérémonie funéraire. Photo Licadho.

Policiers et militaires ont abattu hier Heng Chantha, une adolescente de 14 ans dans la province de Kratie, lors d’une opération visant à expulser de leurs terres un millier de familles au profit d’une compagnie exploitant une concession d’hévéas. Deux autres villageois ont été blessés et cinq d’entre eux arrêtés.

Ce drame intervient moins de trois semaines après le meurtre de l’écologiste Chut Wutty, abattu dans les Cardamomes par un militaire alors qu’il enquêtait sur le commerce illégal de bois.

Des centaines de membres des forces de l’ordre, appuyé par un hélicoptère, ont encerclé le village de Prama, situé sur le territoire communal de Kampong Damrei, dans le district de Chhlong.

En 2007, la société Casotim s’était vue attribuer par le gouvernement une concession économique sur ce même secteur. Mais le millier de familles qui y vivent depuis des années refusent d’en être expropriées. A plusieurs reprises, notamment le mois dernier, elles  avaient bloqué la nationale 78 pour tenter de se faire entendre.

Mercredi, les forces de l’ordre, lourdement armées, ont alors fait feu à deux reprises sur les habitants à l’arme automatique. L’adolescente à été atteinte d’une balle à l’estomac.

Une montée de la violence qui inquiète

Les associations de défense des droits de l’homme ont unanimement condamné cette violence, tandis que l’opposition, par la voix de Mu Sochea, député du parti de Sam Rainsy,  estime que le Premier ministre a perdu tout contrôle sur les militaires.

Surya Subedi, rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’Homme au Cambodge, s’est dit très choqué par la mort de l’adolescente qui intervient peu de temps après le meurtre de Chut Wutty.  La montée de la violence liée à ces expropriations foncières est une« tendance vraiment très inquiétante », a t-il déclaré.
C’est aussi ce qu’il avait conclu, dans un rapport préliminaire, à l’issue de la visite de sept jours qu’il vient d’effectuer dans le pays pour enquêter sur les modes d’attribution de ces concessions économiques et sur les conflits qu’elles ont générées.

C’est en effet la cinquième attaque armée depuis le début de l’année contre des manifestants, des villageois ou des  militants.

Depuis près de trois ans, les organismes internationaux lancent des mises en garde au gouvernement, estimant que les conflits sociaux engendrées par ces expropriations risquent de déstabiliser le Cambodge.

La semaine dernière, le Premier ministre Hun Sen a annoncé la suspension de l’attribution de nouvelles concessions aux entreprises privées .
Mais les concessions déjà attribuées, qui représenteraient près du quart des terres du pays, ne font l’objet d’aucune remise en cause.

 

Krystel Maurice