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Trente cinq ans après la chute du régime Khmer rouge

En ce 7 janvier, des kilomètres de tapis rouges sont déroulés sur la presque île de Koh Pich pour célébrer le 35e anniversaire de l’entrée des troupes vietnamiennes dans Phnom Penh et la chute du régime de Pol Pot.

A 300 kilomètres de là, les drapeaux sont hissés dans toutes les rues, selon l’usage les jours fériés.  Dans la demi-douzaine de bureaux de change chinois qui s’étirent le long du pâté de maisons, toutes les télévisions sont allumées. Mais le volume du son y est remarquablement faible, ce qui en Asie relève de l’invraisemblance.

Sur les écrans, des hommes en costumes sombres que l’on devine du protocole se pressent à l’arrivée de Bun Rany, l’épouse du premier ministre Hun Sen. «  Elle est toujours là, celle-là ? », lance une jeune employée. La remarque provoque un tonnerre de moqueries et chacun retourne à ses affaires.

Je reste seule plantée devant cette télévision, derrière le comptoir du bureau de change. « Vous voulez quelque chose madame ? » A ma curiosité envers cette cérémonie que l’on disait de tous les dangers, la ville entière répond par l’indifférence.

La ville, mais aussi les acteurs que je vois défiler sur l’écran. Assis au premier rang,
le premier ministre Hun Sen, le visage fermé. Téléphone en main, il ne cesse de consulter l’appareil, l’air dépité, comme si le message espéré n’arrivait pas.

Juste derrière lui, Sar Keng le ministre de l’intérieur. Dans un mouvement de bascule, le second se penche vers le Premier. Echange de mots. Le Premier reste de marbre, le regard absent.

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A la tribune Heng Samrin, président de l’assemblée nationale, tout juste de retour d’une visite officielle au Vietnam, débite son discours d’une voix monocorde.
Le nez plongé dans un fascicule qu’on devine être le catalogue des exploits des héros de la libération de Phnom Penh, Bun Ranny, l’épouse de Hun Sen, laisse filer le temps. Marée de casquettes de généraux sur laquelle une caméra s’attarde longuement. Dehors, quelques rangées d’invités, moins chanceux, commencent à cuire lentement sous l’ardeur des rayons du soleil.

Retour sur Sar Keng et le Premier ministre. Nouvelles bascules des corps, poursuites des conciliabules. Visiblement, pas de répit pour ceux qui avaient annoncé une commémoration d’une ampleur sans égale depuis 2009.
Et là brusquement, dans ce bureau de change où je me trouve, un client me saisit par le bras en s’approchant de l’écran. Sourcils froncés, il désigne le Premier ministre d’un doigt accusateur, gesticule et hurle : «  Hun Sen, dehors !». L’assistance acquiesce, je me défile.

Un peu plus loin, dans un café, défilent des images sans son. Des représentants des corps diplomatiques et des corps d’Etat présentent leurs respects au Premier et à son épouse. Les gerbes de fleurs tournoient autour des visages, impressions de veillée funèbre.

Dix mille personnes ont participé à cette manifestation dans une ville où depuis samedi tout rassemblement est interdit. Et sur mon téléphone, ce message ironique de Ou Virak, président du Centre cambodgien des droits de l’homme: « Pas de répression aujourd’hui. Le gouvernement devrait être félicité pour la retenue dont il a fait preuve».

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Krystel Maurice