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Textile: les routes de la mort

Dix neuf personnes ont trouvé la mort dans ce minibus qui transportaient des employés du textile près de Bavet. Photo fournie.

Entassés dans un minibus 39 passagers, dont 37 femmes employées du textile, se rendaient comme chaque matin sur leur lieu de travail dans la zone économique de Bavet, près de la frontière vietnamienne. Il était 6h30 ce mercredi 20 mai sur la N1, une route sur laquelle la circulation est très dense. Et puis, soudain, un bruit effroyable, racontent les témoins qui ont assisté à la scène. Le minibus venait d’être littéralement broyé par un bus qui arrivait en face à grande vitesse et tentait de doubler un autre véhicule.

De l’amas de ferraille, 15 corps inertes sont retirés. Toutes les victimes sont des ouvrières du textile, à l’exception du conducteur du minibus. Les blessées sont nombreuses, les ambulances manquent et il faudra des heures pour que toutes soient enfin tous pris en charge. Trois autres ouvrières décéderont au cours de leur transport vers l’hôpital Calmette de Phnom Penh et une autre encore dans la journée de jeudi. Un accident qui, comme beaucoup d’autres au Cambodge, n’est pas dû à la fatalité. Au total, 4800 accidents ont eu lieu l’an dernier sur les routes du pays faisant 2100 morts, la plupart en raison d’une vitesse excessive. Et sur ce nombre très élevé de victimes, 74 d’entre elles étaient des ouvrières du textile et 784 autres ont été blessées sur le trajet les conduisant à de leur usine.

Un fléau face auquel les autorités restent sourdes depuis des années. « Dans les textes de loi sur le travail, ni le gouvernement, ni les propriétaires d’usines, ne sont tenus pour responsables des accidents survenus sur le trajet, enrage Dave Welsh, directeur au Cambodge du Centre américain pour la solidarité internationale du travail. Cela devrait être considéré comme un accident du travail ». Et d’ajouter :«Il n’est pas admissible qu’une industrie qui génère 6 milliards de dollars par an ne puisse garantir la sécurité des employés »

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Dans un communiqué publié mercredi, dix syndicats du textile ont réclamé la mise en place d’un réseau de transport sûr et gratuit pour acheminer les employées jusqu’aux usines.
Une indemnité de transport de 10 dollars par mois leur est actuellement versée. Mais compte tenu des maigres revenus dont elles disposent, elles n’ont souvent d’autres choix que de s’entasser dans des véhicules privés surchargés. Ainsi, le minibus accidenté mercredi disposait de 15 sièges mais 39 passagers se trouvaient à bord, dont 37 ouvrières du textile employées dans cinq usines différentes de la zone économique.

De son côté, le ministère du travail soulignait : « S’attaquer à ce problème nécessite d’agir dans de nombreux domaines. Cela comprend notamment le renforcement des règles du secteur du transport, l’allocation d’indemnités de transport adéquates aux travailleurs, ainsi que des campagnes de sécurité routière à destination des transporteurs et des passagers. »

« Nous versons déjà des indemnités de transport mais si elles choisissent de ne pas les dépenser, nous ne n’y pouvons rien. Augmenter cette prime ne changera rien.», répond Ken Loo, secrétaire général de la Fédération cambodgienne des fabricants de vêtements ( GMAC). Pour lui, seul le chauffeur du bus est en cause et l’accident n’est pas révélateur d’un problème spécifique lié à la sécurité des transports.

Ce n’est pas l’avis de l’Organisation internationale du travail qui, dans un communiqué mercredi, proposait la mise en place de « mesures complètes et coordonnées au niveau national » impliquant tous les parties afin de garantir la sécurité des transports.

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Reste la position des grandes marques internationales de vêtements, toujours avares de communiqués lorsque leur image est en jeu. Dans cette affaire, on les entend peu.

Or les passagères du minibus étaient employées dans différentes usines, toutes fournisseurs de marques internationalse de vêtements : Elite qui fournit notamment Adidas, Kingmaker Footwear Co, fournisseur de la marque de chaussures de sport New Balance, Eastern Industrial Enterprise Inc, fournisseur de C&A et Sheico Co, l’un des prestataires de Body Glove. Outre quelques subsides versés aux familles, prendront elles enfin au sérieux cette question de la sécurité des transports vers les usines?

Krystel Maurice