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Ouverture au Cambodge d’un procès de masse pour les manifestants du textile

Des sympathisants venus apporter-leur soutien aux accusés devant le tribunal de Phnom Penh. Photo Licadho

C’est un tribunal sous haute surveillance policière qui a commencé hier de juger à Phnom Penh 25 employés du textile, parmi lesquels des syndicalistes très connus, des manifestants, des militants d’associations, ou de simples passants. Arrêtés à l’issue de manifestations visant à obtenir un salaire minimum à 160 dollars, ils ont été violement battus avant d’être détenus, à l’exception de deux d’entre eux, dans une prison de haute sécurité à quelque 80 km de Kompong Cham.

La plupart sont accusés de violences intentionnelles avec circonstances aggravantes et de destruction de propriété avec circonstances aggravantes. Ils encourent une peine de 5 ans de prison ferme et une amende de 1000 $ à 2500 $.

L’une des ouvrières blessée lors de la manifestation du 3 janvier 2014. Photo Licadho

Vingt-trois d’entre eux ont été arrêtés lors des manifestations du 2 et du 3 janvier aux cours desquelles les forces de polices ont ouvert le feu sur la foule, faisant au moins quatre morts et une quarantaine de blessés. En outre, un jeune ouvrier de 16 ans, qui a été vu pour la dernière fois gisant dans une mare de sang, est toujours porté disparu.
Le gouvernement cambodgien dit avoir ouvert une enquête sur ces évènements mais à ce jour aucun élément n’a été rendu public à ce jour.

Deux adolescents, dont l’un est toujours incarcéré à Phnom Penh, ont été arrêtés lors d’une précédente manifestation,  le 12 novembre, à l’usine textile SL de Stung Meanchey. Les forces de l’ordre avaient également tiré à balles réelles sur les manifestants. Une vendeuse avait été tuée et sept autres personnes blessées par balles.

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Les forces de l’ordre lors de la manifestation des employés de l’usine SL, le 12 novembre 2013. Photo Licadho

Depuis, sur la scène internationale comme au Cambodge, les associations de défense des droits de l’homme, les organisations syndicales n’ont cessé de dénoncer ces violences et de réclamer la libération des détenus. Les grandes marques de vêtements ont-elles aussi écrit au Premier ministre Hun Sen le 17 janvier pour réclamer une enquête et la condamnation des auteurs des tirs.

Un procès historique

Mais le pouvoir, qui, depuis les élections contestées de juillet, tient visiblement à faire taire toute voix discordante, est resté inflexible. Il a répété que cette répression était nécessaire et n’a pour l’heure traduit aucun policier ni militaire devant les tribunaux.
En revanche, les juges ont refusé pratiquement toutes les demandes de libération conditionnelle des accusés, y compris celles de trois d’entre eux, gravement blessés par les forces de l’ordre, et dont l’état de santé reste préoccupant.

Par le nombre d’accusés, ce procès  fait déjà date dans l’histoire du Cambodge. Hier, trois cours distinctes ont siégé simultanément durant toute la journée, chacune d’elles étant chargée de juger les accusés de chacune de ces trois manifestations.

A l’intérieur, des juges, des avocats, et à titre d’observateurs, quelques représentants des associations de défense des droits de l’homme – Licadho, Adhoc, Centre cambodgien des droits de l’homme- du haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, de l’Union Européenne et des ambassades d’Allemagne et de Suède.

Nombre de témoins venus déposer à charge étaient des membres de la police militaire ou de la police locale, parmi lesquels plusieurs haut gradés.

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A aucun moment, durant cette première journée d’audition, les victimes de ces manifestations n’ont été mentionnées. Selon les observateurs de la Licadho, les juges ont systématiquement rejeté toute allusion à la violence des forces de l’ordre et se sont montrés hostiles à l’égard des accusés et des témoins produits par la défense.

Vendredi 25 avril 2014. Les “casques noirs” chassent Yorm Bopha, l’une des activistes de la communauté des expulsés de Boeng Kak, de l’entrée de tribunal. Photo Licadho

Deux ou trois cent supporters, syndicalistes, parents ou amis, moines du réseau indépendant, ou membres des communautés de Borei Keila et Boeng Kak ont tenté en vain de s’approcher des lieux toute la journée. Des barrières avaient été installées dès le matin pour les empêcher d’aller plus avant.

A deux ou trois reprises des échauffourées ont éclaté lorsque les « casques noirs », les hommes de main du pouvoir, ont brutalement évacué les supporters. Plusieurs femmes ont été légèrement blessées.

Un peu avant 16h, les juges des trois chambres ont annoncé l’ajournement des audiences. Le procès reprendra le 6 mai à 8h.

Krystel Maurice