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La pâte de mangue séchée : une production familiale à déguster entre amis

Il faut repérer les fruits suffisamment gros pour être récoltés et laisser aux autres le temps de se développer. Photo Nicolas Josso

Sous une chaleur accablante, de larges galettes bronzent sur des cordes à linges. Des heures d’exposition transforment la pâte. De jaune claire, elle vire à l’orangée avant de se confondre avec la couleur de la terre. Elle s’allège en perdant son humidité  et rétrécit comme une peau de chagrin. Elle s’affine aussi, jusqu’à n’être plus qu’une mince pellicule au travers de laquelle dansent les rayons du soleil.

La pâte de mangue séchée est l’un des délices du Cambodge. Les gourmands ne manqueront pas d’en ramener dans leurs bagages car cette recette artisanale est difficilement réalisable à la maison.
Il vous faudrait, en premier lieu, dénicher une cinquantaine de mangues vertes pour obtenir un seul kilo de pâte. Pas infaisable, me direz vous, dans la mesure où les supermarchés sont passés maîtres dans l’art de vendre des fruits immatures. Reste que leur saveur sera à peu près comparable à une infusion de lessive, sans parler de la facture, qui à elle seule, permettrait de nourrir une famille de Cambodgiens pendant un mois. Il resterait ensuite à vous assurer qu’une canicule de premier ordre va s’abattre sur votre région durant une bonne huitaine de jours. Et là, ce n’est pas gagné d’avance, la dernière en date remontant tout de même à sept ans…

Donc pour ceux qui choisiront la voie de la sagesse et décideront d’acheter ce produit au Cambodge, nous vous livrons ici les secrets de sa fabrication. Une précision cependant : Ici ou là, on commence à trouver de la pâte de mangue fabriquée industriellement. Sa qualité est très largement inférieure à la pâte préparée en famille que vous trouverez sur les marchés. Entre les deux, n’hésitez pas, et sachez que ce produit se conserve à peu près un an.

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Fin mars, début avril, les fruits encore verts sont cueillis à l’aide d’une longue perche de bambou au bout de laquelle est arrimé un petit panier d’osier de forme allongée. L’exercice est plus délicat qu’il n’y parait et requiert adresse et agilité. D’autant que la hauteur de certains manguiers oblige souvent à grimper dans l’arbre.

La récolte dure plusieurs jours.

Il faut repérer les fruits suffisamment gros pour être récoltés et laisser aux autres le temps de se développer.
Photo Nicolas Josso

La chair des fruits est ensuite hachée au couteau et cuite dans de grandes bassines avec un peu de sel.  Quatre heures plus tard, lorsque le volume de la pulpe a diminué de moitié, la compote sucrée qui en résulte est mise à sécher sur de grands plateaux d’aluminium de forme arrondis ou directement sur des feuilles de bananiers.

Photo Nicolas Josso

Sous l’effet des rayons du soleil, la pâte s’affine peu à peu. Lorsque l’on voit le jour au travers, on étend ces galettes sur des cordes à linge et on les rentre à la nuit venue. Six à huit jours à ce rythme là et la pâte est prête.

Photos Krystel Maurice

Elle sera vendue quasiment à prix coûtant sur les marchés. Un produit peu rentable pour les familles compte tenu de la quantité de fruits nécessaires, de la déperdition de poids et du travail que cette fabrication requiert. Dans un pays où le salaire moyen est de 50 dollars, la clientèle n’a guère les moyens de dépenser des fortunes dans une douceur qui fait office de produit de luxe. Les Cambodgiens en ont conscience et la dégustent lentement,  entre amis, à l’occasion des jours de fêtes.
Faites de même !

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Krystel Maurice