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La projection publique du film « Qui a tué Chea Vichea ? » qui devait avoir lieu vendredi 24 janvier à Phnom Penh a été annulée à l’initiative des organisateurs, le Centre cambodgien des droits de l’homme.
La veille, le porte-parole du Conseil des ministres a lancé un avertissement des plus fermes à l’attention de ceux qui seraient impliqués dans la projection de ce film, interdit au Cambodge depuis sa sortie en 2010. «Si vous défiez l’interdiction, on vous expulse», a-t-il lancé à l’attention des ressortissants étrangers et «si vous êtes Cambodgiens, nous vous jetteront en prison».
Ce documentaire, réalisé par Bradley Cox et qui a été récompensé par de nombreux prix, remonte le fil de l’enquête de l’assassinat de Chea Vichea. Alors président du Syndicat libre des travailleurs du textile, Chea Vichea a été abattu en plein jour le 22 janvier 2004 par deux hommes à moto alors qu’il venait d’acheter son journal au kiosque à journaux situé près de Wat Lanka, à Phnom Penh.
A la suite d’un travail d’enquête de cinq années sur cette affaire, le cinéaste met en lumière les multiples incohérences, irrégularités judiciaires et pressions politiques de cette affaire qui ont abouti à l’arrestation de deux lampistes condamnés à vingt ans de prison. A l’heure actuelle, les assassins n’ont toujours pas été identifiés.
Depuis 2010, chaque tentative de projeter le film à Phnom Penh est un défi pour les organisateurs. Les autorités s’empêtrent dans les explications comme on peut le lire dans cet article que nous avions rédigé le 8 mai 2010.
Il y a à peine deux mois, le 23 novembre 2013, le Centre cambodgien des droits de l’homme était cependant parvenu à organiser une projection sans encombre.
Mais hier, la projection qui devait avoir lieu a finalement été annulée. Le CCHR avait prévu de diffuser le film au Sithy Hub, un espace réservé aux bloggers. Mais le détenteur du contrat de ce lieu, un cinéaste allemand, s’y est opposé en raison de l’interdiction de diffusion au Cambodge.
Le CCHR a donc décidé de projeter le film dans ses propres locaux avant de revenir sur sa décision et d’annuler au dernier moment les deux séances prévues, l’une en khmer, l’autre en anglais. Le CCHR qui a déjà diffusé ce film fournira sans doute quelques explications dans les heures à venir.
Mais ce qu’on retiendra avant tout de cette affaire, ce sont les menaces proférées par le porte-parole du Conseil des ministres dans un pays où la liberté d’expression n’est visiblement toujours pas à l’ordre du jour.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit puisque ce film, dans sa version khmère, a été mise en ligne par les producteurs eux-mêmes sur Youtube et peut être visualisé dans son intégralité depuis n’importe quel ordinateur (ici).
Krystel Maurice