En continu

Des grillons contre la malnutrition des enfants cambodgiens

Le remplissage des bols de pontes à la ferme pilote de Kep

« Quand j’ai dis à ma femme que je voulais élever des grillons, savez- vous ce qu’elle m’a répondu ?   » Si tu te lances là dedans, je divorce.  »  Et elle est partie à Phnom Penh chez son père. » Et alors ? Il éclate de rire et poursuit: «Elle est revenue quelques jours plus tard et m’a dit:  » J’en ai parlé à mon père et il a trouvé l’idée géniale. Alors je ne divorce plus ». J’ai eu chaud et j’ai de la chance d’avoir un beau-père qui m’a toujours soutenu.  Vous savez,  moi j’aime la terre. Mes parents étaient agriculteurs dans l’Ain et cela fait des années que je voulais revenir à mes origines. »

La terre dont Gérard Thévenet parle aujourd’hui est celle du Cambodge où il s’est installé il y a plus de vingt ans. Longtemps restaurateur à Phnom Penh, il décide subitement d’ouvrir une agence de voyages à Siem Reap. « Je suis resté un an enfermé entre quatre murs à étudier le projet et je me suis lancé ». Année après année, l’agence se développe. Les rouages sont bien huilés, trop sans doute, au point qu’il commence à tourner en rond.  « J’adore ce métier mais j’aime créer des choses nouvelles ». Un sujet l’intéresse tout particulièrement, ces criquets dont on dit qu’ils nourriront la planète dans le futur tant leurs valeurs nutritives est considérable.

Gérard lit beaucoup, visite des élevages au Vietnam et rencontre un Cambodgien qui s’était lancé dans l’aventure il y a quelques années dans le cadre d’un programme initié par le ministère de l’agriculture. Le programme n’existe plus depuis longtemps et les éleveurs, dans l’incapacité de trouver seuls les débouchés nécessaires, ont tous fini par jeter l’éponge. Tous, sauf cet homme avec lequel Gérard sympathise. Son élevage est minuscule, bricolé de toutes parts, mais, Gérard se prend au jeu. Il lui achète des œufs et s’installe sur un petit terrain qu’il possède à Kep.

 

Iron Ckricket farm à Kep

Iron Ckricket farm à Kep.

 

Et il observe. Huit jours plus tard, les œufs ont éclos. « Durant les premiers jours, on les nourrit avec de la farine de riz et de maïs. Puis on leur donne des légumes et des fruits, du manioc, des fleurs de Morning Glory et des écorces… . Mais ce qu’ils préfèrent, ce sont les potirons et la papayes. » Les prédateurs sont là aussi, des oiseaux, des rongeurs. «  J’ai du installé des filets et imaginé des systèmes de protection plus efficaces ». Gérard s’enthousiasme comme un enfant, les mots se bousculent pour expliquer le cycle de la vie des grillons, leurs méthodes de reproduction et ses projets de développement pour l’avenir.

Il en parle à un ami, Philippe Lenain, lui aussi installé au Cambodge depuis des années. «Et si on montait ensemble une ferme pilote ?».  Philippe est séduit, tous deux se lancent dans l’aventure.

Gérard Thévenet et Philippe Lenain

Gérard Thévenet et Philippe Lenain.

« Nous avons construit un bâtiment mieux adapté à note projet. Dans cette HLM à criquets, les insectes sont répartis sur plusieurs étages et élevés dans des conditions sanitaires parfaites.»  Leurs valeurs nutritive est étonnante. « Nous avons fait analyser nos criquets. Ils contiennent 59,6% de protéines, 3,4% de carbohydrates et 111 mg de fer/kg.» Au Cambodge, ou l’on raffole des insectes, les criquets sont frits dans l’huile et doivent être consommés dans l’instant. Mais l’idée de Gérard et de Philippe est de proposer des produits déshydratés qui se conserveront plusieurs mois.

 

Grillonier

Les criquets, préalablement noyés, sont ensuite recouverts d’un lit d’épices fraîches avant d’être cuits au four durant 9 heures. Depuis quelques semaines, ils sont commercialisés dans de petites boites à Phnom Penh, Siem Reap et Kep sous la marque Khmer Iron Cricket. Sous cette même marque, un autre produit fait déjà fureur après des touristes. Ce sont de délicieux biscuits contenant des grillons, parfumés au choix au café, à la noix de coco, au durian ou à la cannelle.

 

Biscuits aux grillons

Mais  à terme, les projets de Gérard et de Philippe sont beaucoup plus ambitieux. 40 % des enfants cambodgiens souffrent de malnutrition, selon l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, rappellent-ils. « Nous voudrions que les vertus nutritives de nos grillons servent à lutter contre la malnutrition de ces enfants. Nous avons mis au point une poudre, à base de grillons déshydratés et broyés, qui peut se mélanger à tous les aliments. Nous sommes persuadés qu’un sachet mélangé à un simple bol de riz apporterait aux enfants souffrant de malnutrition les compléments alimentaires dont ils ont besoin ».

Appel est donc lancé à tous ceux que ce projet intéresse au premier rang desquels les ONG qui trouveront là, un moyen très simple de venir en aide à tous ces enfants.

 

Krystel Maurice

Si vous prévoyez de vous rendre à Kep, vous pouvez visiter la ferme des grillons qui se trouve derrière le marché. Pour tous renseignements: