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Cambodge: les recettes des temples d’Angkor sur la sellette à l’assemblée nationale

@Photo Krystel Maurice

 

Depuis des années, l’opposition cambodgienne s’élève contre le manque de transparence des revenus provenant de la vente des tickets d’Angkor Wat. Hier, c’est à l’intérieur même de l’assemblée nationale qu’elle a mené la charge, interrogeant durant trois heures Thong Kong, le ministre du touriste.

« Nous dépensons beaucoup d’argent pour promouvoir le tourisme, constate le député d’opposition Nhem Ponharith, qui préside la commission de l’éducation, des affaires religieuses, de la culture et du tourisme. Nous voulons que tous les revenus provenant de cette activité soient intégrés dans le budget national afin qu’ils contribuent au développement.».

Dans la ligne de mire de l’opposition, la compagnie Sokimex qui exploite le site des temples d’Angkor, laquelle est présidée par Sok Kong, le plus puissant homme d’affaire du Cambodge.
« Nous ne devrions pas permettre à une société privée de réaliser des bénéfices grâce à la vente des billets d’entrée », estime
Nhem Ponharith.
En clair, pour l’opposition, l’exploitation des temples devrait relever de l’état, ce qui permettrait de contrôler les sommes encaissées et de définir des priorités dans la redistribution des bénéfices.

Quelles recettes ?

 

Car bien malin celui qui, aujourd’hui, est en mesure de vérifier les chiffres avancés.
L’an dernier, une polémique avait une fois encore éclaté lorsque qu’en pleine campagne pour les élections législatives, Kem Sokha, à la tête du Parti du sauvetage national du Cambodge, avait affirmé qu’en 2012 le produit des ventes de billet s’était élevé à 200 millions de dollars en 2012. L’Autorité Apsara, en charge de la gestion des temples, avait immédiatement démenti ce chiffre pour le ramener à 51 millions de dollars.

Selon Bun Narith, son président directeur, 1,8 million de billets avaient été vendus cette année-là. Sur ce total, environ 1 million de ticket, soit 59,2%,  étaient des billets à 20$, n’autorisant l’accès au site que pour une seule journée.
Environ 700 000 visiteurs, soit 38, 8% avaient acheté des forfaits à 40 $ (trois jours de visites), tandis que 18 000 autres avaient acheté des forfaits à 60$ (sept jours de visites).
Faux, avait rétorqué l’opposition, en faisait remarquer qu’une majorité de visiteurs achetait, non pas des billets à 20$ mais des forfaits de trois jours à 40$. Reste à le prouver et c’est bien là que le bât blesse.

Le contrat qui lie la Sokimex, ou plus précisément Sokha Hôtels, l’une de ses multiples filiales, est limpide, martèle l’Autorité Apsara. Selon elle, depuis 2005, ce nouveau contrat prévoit la répartition suivante : les taxes représentent 10% du chiffre d’affaire. Les 90% restant sont redistribués entre le gouvernement et la société Sokha, chacun percevant 50% des revenus plafonnés à 3 millions de dollars.
Au-delà de cette somme, l’Autorité Apsara qui est chargée de la conservation des monuments et du développement du site d’Angkor, reçoit 15% du montant des entrées.
Le reste, soit 85%, est divisé entre le gouvernement et la Sokha, selon un ratio de 80% pour l’état et de 20% pour la Sokha.

 

« Je ne connais pas le sujet »

 

Peut- être, sauf qu’aucun organisme indépendant n’est en mesure aujourd’hui de contrôler les montants encaissés. Et nombreux sont les journalistes qui se sont vus claquer la porte au nez lorsqu’ils ont tenté d’investiguer sur la question.
Davantage de transparence est donc largement souhaitable mais la démarche de l’opposition a peu de chance d’aboutir.
Hier, Thong Kong le ministre du touriste, a d’ores et déjà expliqué, à l’issue de la réunion, que son ministère était trop occupé pour s’occuper de la vente des billets d’Angkor, préférant laisser les choses en l’état. « Mais enfin, puisque la commission du tourisme de l’Assemblée insiste, nous allons prendre leur demande en considération ».
Cerise sur la gâteau, il a botté en touche lorsque les journalistes l’ont interrogé sur le montant des recettes encaissées chaque année à Angkor. «  Je ne connais pas le sujet, j’ai simplement répondu aux questions qui relèvent de ma compétence. Cette question-là n’est pas de mon ressort ».

 


Krystel Maurice