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Le massacre des forêts cambodgiennes

 

Déforestation autour des barrages

La forêt centrale des Cardamomes, à l’écosystème exceptionnel, est elle aussi, aux mains des trafiquants depuis plus de trois ans. Mais la récente construction d’un barrage sur la rivière Tataï, dans la province de Pursat a accéléré les pillages. Si le terrain concerné par le projet a été légalement nettoyé, d’immenses secteurs, riches en palissandre, situés bien au delà de l’emprise du barrage, sont maintenant déforestés par des compagnies, avec la complicité de militaires, de policiers et de garde privés.

Scénario identique ces dernières semaines dans la province de Stung Treng. La compagnie Ang & Asso­ciates Lawyer Co. Ltd, dirigé l’homme d’affaires Kith Meng,  détentrice d’une concession pour un projet de barrage sur la rivière Sé San, est accusée d’avoir abattu des bois précieux hors de sa concession.

 

Au cœur des espaces « protégés »

 

Dans le Ratanakiri, le parc national de Virachey est lui aussi la proie des compagnies privées. Les communautés, les ONG, et même les touristes rapportent régulièrement les massacres opérés dans ce parc, attaqué de part en part, et de plus en profondément. Que deviendront ces minorités qui la peuplait et qui n’y trouvent plus aujourd’hui leurs moyens de subsistance ?

Dans le Mondolkiri, d’autres tribus, acculées elles aussi, ont vendu leurs terres ou leurs bras à des puissants qui ne mettront jamais un pied ici. Tout au plus ont-ils aperçu durant quelques mois une équipe franco-belge du groupe Bolloré qui leur a promis la lune avant de détruire le site sacré de leurs ancêtres, de leur racheter leurs terres pour une poignée de dollars, éradiquant leur culture ancestrale à coup de pelles mécaniques.

Forêt-Preah-Vihear

Province de Preah Vihear ©CCHR

Partout dans le pays, la destruction de la forêt s’est accélérée. Selon une étude récente de l’université du Maryland réalisée à partir des données satellites, la forêt cambodgienne a perdu près de 7,1% de sa superficie dans les seules 12 dernières années, soit 12 600 km2.

A l’échelle de la planète et sur un laps de temps identique, seuls quatre pays réalisent un score aussi désastreux: la Malaisie, le Paraguay, l’Indonésie et le Guatemala.
Et pour le Dr David Gritten, auteur de cette étude, la situation est sans ambigüité: « Si les communautés locales participent aussi à la déforestation, ce sont avant tout les concessions économiques qui en sont responsablesNous sommes fermement convaincus que si ces forêts étaient aux mains des habitants, elles seraient gérées durablement ».

De mois en mois, les noms des compagnies dévastatrices sont pointés du doigt par des responsables d’association, des écologistes, des journalistes, des habitants, des moines. Nombres d’entre eux ont été menacés, emprisonnés, assassinés pour avoir parlé, écrit, ou protesté.  Du nord au sud du pays, la rengaine est la même; des autorités locales se disent impuissantes à agir, les ministères promettent des enquêtes qui ne viennent jamais.