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Des allégations de corruption pèsent sur le Tribunal Khmers rouges

Depuis deux ans, le tribunal chargé de juger les Khmers rouges est soupçonné de corruption. L’affaire a éclaté en février 2007 lorsqu’une ONG américaine Open Society Justice Initiative (OSJI) a rendu publique des allégations selon lesquels les personnels cambodgiens du tribunal, y compris les juges, se voyaient contraints de reverser une partie de leurs salaires aux représentants du gouvernement cambodgien. Rappelons que ce tribunal hybride est géré et financé par l’ONU et par le gouvernement cambodgien, chacune des parties ayant son propre budget.

Face à ces allégations, la Commission européenne a alors demandé que la situation soit examinée par une instance indépendante tandis que le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) a décidé de faire examiner les candidatures d’offres d’emploi par un groupe de consultants extérieurs au Cambodge.

Mais en juillet 2008 l’affaire a rebondi suite à des plaintes du personnel cambodgien adressées au bureau de surveillance interne de l’ONU. Selon les plaignants, embauches et renouvellements de contrats étaient sujets à des versements de pots-de-vins. Le Programme des Nations Unis par lequel transitent les fonds des pays donateurs a donc décidé de geler tous les financements destinés au tribunal. L’ONU, qui a ouvert une enquête sur ces allégations, a remis un rapport aux autorités cambodgiennes mais n’a jamais rendu publiques ses conclusions.

A l’issue d’une rencontre, le 10 décembre 2008, entre une délégation de membres des Nations Unies et des représentants cambodgiens, les protagonistes évoquaient la création d’ un comité conjoint visant à mettre au point des mécanismes anti-corruption. Parmi les mesures envisagées, la protection des personnels contre d’éventuels actes de représailles en cas de plainte ou de dénonciation. Côté international, la nomination d’un observateur des questions éthiques était évoqué. Cinq mois plus tard, on en est toujours là, en dépit d’une nouvelle rencontre entre les deux parties en mars.
Difficultés financières

 

Du coup, le Tribunal se trouve dans une situation financière peu reluisante. En février, la partie cambodgienne, dans l’incapacité de régler les salaires du personnel cambodgien du tribunal, a été contrainte de s’adresser au Japon, le plus gros donateur, pour parer à l’urgence. Le 20 mars Tokyo débloquait 200 000 dollars. Un mois plus tard ce pays remettait la main à la poche et acceptait de financer la partie cambodgienne à hauteur de 4, 170 814 millions de dollars.
Quant à la partie internationale, elle aurait, semble-t-il, de quoi tenir jusqu’à la fin de l’année 2009.

Au total, le budget du tribunal pour l’exercice 2005-2009 s’élève à 104,6 millions de dollars, contre 56,3 millions initialement prévus. Parmi les pays contributeurs, le Japon est le plus important d’entre eux avec 42 millions de dollars, devant la France (5 millions de dollars), la Grande-Bretagne (2 millions de dollars) et l’Allemagne (1 million de dollars) .

Au Cambodge, certains considèrent que ces difficultés financières ne constituent pas forcement une mauvaise nouvelle. A commencer par le Premier ministre qui déclarait le 1er avril : « Moi, je prie pour que ce tribunal n’ait plus d’argent. Dans ce cas, selon la loi, les juristes étrangers partiront et ce sont les Cambodgiens qui poursuivront le procès. Cela ne signifie pas que je ne soutiens pas le Tribunal des Khmers rouges mais il ne faut pas qu’il cherche des histoires».


Une incantation dont sest immédiatement saisit Me Verges, défenseur de Khieu Samphan, ancien President du Kampuchéa Démocratique. Lors de l’audience du 3 avril, Me Jacques Vergès informait la Cour qu’il avait demandé aux co-juges d’instruction d’être informé sur la procédure en cours concernant les allégations de corruption. Hors sujet, lui a, en substance, répondu le juge qui lui a demandé de se taire.« Je me tairai, car je n’ai pas à être plus soucieux de votre honneur que vous-même ! […] Je me tairai aussi, car un chef d’état qui vous héberge a souhaité publiquement votre départ, faisant de vous des squatters ! Je me tairai car un chef d’état qui vous héberge dit que vous n’êtes intéressés que par l’argent ! […] Enfin je me tairai, car l’usage n’est pas de tirer sur des ambulances et des blessés ou sur des corbillards et des mourants ! », a lancé l’avocat. Des propos qui ont choqué plusieurs de ses confrères dans la mesure où ils remettent clairement en cause la légitimité du tribunal. Même si Me Vergès a déjà eu recours à cette ficelle à plusieurs reprises dans le passé.

 

Krystel Maurice