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Cambodge: trois des assaillants des députés d’opposition se rendent

L'attaque du député d'opposition Nhay Chamroeun le 26 octobre à Phnom Penh.

Trois des auteurs du passage à tabac de deux députés de l’opposition qui sortaient de l’Assemblée nationale la semaine dernière se sont livrés et sont passés aux aveux, a annoncé hier soir le ministère cambodgien de l’intérieur.

Selon le communiqué du général Khieu Sopheak, porte-parole du ministère, les trois hommes se seraient rendus d’eux-mêmes à 16h30 devant les représentants de la commission chargée par le gouvernement d’enquêter et auraient reconnu les faits. Il s’agit de Chay Sarith, 33 ans, Mao Hoeun, âgé de 34 et de Suth Vanny, 45ans. Ils devraient être déférés devant le tribunal de Phnom Penh aujourd’hui.

« Ce sont les coupables, ce sont ceux qui les ont attaqués, a déclaré le General Sopheak au quotidien The Cambodia Daily. Les autres étaient simplement autour et criaient », précisant qu’il ne croyait pas que l’attaque avait été commanditée par qui que ce soit d’autre. Une déclaration qui d’ores et déjà laisse planer de forts doutes sur d’éventuelles nouvelles arrestations.

Le 26 octobre, deux députés de l’opposition cambodgienne, Nhay Chamroeun et Kong Saphea, ont été sauvagement attaqués par des hommes de main alors qu’ils sortaient de l’Assemblée nationale à Phnom Penh.
Plusieurs centaines de personnes appartenant à un groupe de jeunes affiliés au Parti du peuple cambodgien au pouvoir y manifestaient pour réclamer la destitution de Kem Sokha de la vice-présidence de l’assemblée nationale.

 

Les deux députés témoignent

Hospitalisés à Bangkok, les deux députés, interviewés par l’association de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, expliquent que contrairement à l’usage lors des séances de l’Assemblée nationale, ce 26 octobre le bâtiment n’était entouré d’aucun barbelé et que les gardiens leur avaient  indiqué que les portiques de sécurité étaient en panne.

Lorsqu’ils sont sortis de l’Assemblée, chacun dans un véhicule, la porte de la sortie qu’ils avaient l’habitude d’emprunter, située au Nord-Ouest du bâtiment, était fermée. Un gardien les a alors détournés vers la sortie principale, à l’Ouest. Alors qu’un véhicule qui les précédait était autorisé à passer, un autre gardien s’est interposé et les a renvoyés vers la sortie Sud « rarement utilisée ».

Le député Kung Sophea a également précisé lors de cette interview que son chauffeur lui avait dit avoir remarqué un homme portant un chapeau rouge et muni d’un talkie-walkie, posté de l’autre côté de la rue. L’homme avait désigné les véhicules des deux députés d’un geste de la main. Parvenus dans la rue, ils ont roulé quelques courts instants avant d’être bloqués par un autre homme également muni d’un talkie-walkie. Vingt à trente hommes ont alors encerclé sa voiture et l’homme au chapeau rouge, aidé de deux autres, l’ont tiré hors de son véhicule et l’ont tabassé.

Le député Nhay Chamroeun a quant à lui déclaré à Human Rights Watch qu’il avait vu les assaillants attaquer son collègue, dix mètres devant lui. Selon lui, la police qui se tenait à environ cinq mètres du véhicule de Sophea lors de l’attaque n’a pas tenté de s’interposer pour faire cesser les violences. Son propre véhicule a alors été encerclé par des assaillants, l’un d’eux brisant la vitre à l’aide de son talkie-walkie, avant d’ouvrir la portière et de le traîner à l’extérieur et de le battre.

Kung Sophea a eu le nez cassé et souffre de contusions multiples, à la tête, au dos, au tibia ainsi que d’une déchirure du tympan qui a nécessité une opération chirurgicale.
Nhay Chamroeun a dû, quant à lui, subir une délicate opération de l’œil, suite à la fracture d’un os située juste au dessous de l’orbite. Il a également le nez et une dent brisés, une triple fracture du poignet droit et une foulure du poignet gauche. Il souffre de douleurs à la poitrine.

 

Du côté de l’Assemblée nationale, on rejette toute responsabilité dans ces incidents. Hier, Leng Peng Long, en charge de la sécurité du parlement, a nié d’éventuelle complicité au sein des gardiens de l’Assemblée dans le piège tendu aux deux députés. Il a également souligné qu’il n’était pas responsable de «  ce qui se passait à l’extérieur du bâtiment ».

De retour hier d’un déplacement en Europe, Sam Rainsy, le président du Parti du sauvetage national du Cambodge a réitéré sa demande d’une commission d’enquête indépendante élargie à des membres de son parti mais aussi à des représentants de l’ONU et de la société civile afin d’examiner « tous les aspects de cette affaire ». Il s’est cependant montré peu disert, se contentant de prôner la culture du dialogue sans faire allusion aux « méthodes fascistes du gouvernement » qu’il avait dénoncées suite à ces évènements.

 


Krystel Maurice