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La loi anti-corruption votée les doigts dans le nez

Quinze ans que les cambodgiens et les organismes internationaux  réclamaient une loi anti-corruption garantissant une plus grande transparence dans la gestion des fonds publics.
Elle a été adoptée dans la précipitation  jeudi 11 mars par l’assemblée nationale réunie en session extraordinaire, sans consultation préalable, sans débat et sans aucun amendement. Un texte de 29 pages qui ressemble fort à de la poudre aux yeux, et qui suscite de fortes critiques de la part de l’opposition et de la société civile.

Les députés de la majorité formée par le PPC, le Funcinpec et le Parti nationaliste (ex-Parti Norodom Ranariddh) ont adopté le texte par 82 voix pour, en l’absence des parlementaires de l’opposition (Parti Sam Rainsy et Parti des droits de l’homme) qui avaient quitté l’hémicycle pour protester contre les conditions d’adoption de ce texte.

Des mécanismes de contrôle dépendant du gouvernement

Cette loi prévoit la création  d’une Commission nationale anti-corruption dont les 11 membres seront choisis au sein des institutions nationales, sénat, assemblée nationale ainsi que de huit autres institutions gouvernementales.
Une Unité anti-corruption directement placée sous le contrôle du Conseil des ministres sera chargée au quotidien des enquêtes dans le secteur public et privé.

L’opposition et la société civile dénoncent notamment le manque d’indépendance de ces deux organismes qui seront entièrement contrôlés par le PPC, le parti au pouvoir au travers de ses représentants au gouvernement. « Cette loi anti-corruption sera en fait une loi en faveur de la corruption. Il n’y a pas de volonté politique de la part du Conseil des ministres puisque ceux qui sont corrompus sont les mêmes que ceux qui exercent le pouvoir » a déclaré Yim Sovan, député de Parti de Sam Rainsy à la presse.
Les membres du parti de l’opposition Sam Rainsy  dénoncent également le fait que cette loi n’impose pas aux membres du gouvernement et à leurs conjoints l’obligation de rendre publiques leurs ressources.

Dans un communiqué rendue public, 200 associations de la société civile critiquent l’absence de débat qui a prévalu à son adoption, et le refus du gouvernement de repousser, comme il lui a été demandé,   d’un mois ce vote afin d’examiner attentivement le texte.

C’est également ce que réclamait La délégation de L’ONU au Cambodge  dans un communiqué publié mercredi 11 mars. « Il est de l’intérêt du pouvoir législatif que la future loi sur la corruption soit  débattue à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement avant son adoption », indique le communiqué. « Les Nations unies ont soutenu activement la mise en œuvre de ce dispositif important de la législation depuis 2004. Le projet de loi anti-corruption doit suivre un processus de consultation transparent et participatif afin de s’assurer qu’il répond aux standards internationaux, comme cela est exigé par la Constitution, et qu’il contient suffisamment de garanties pour protéger les droits et devoirs du peuple cambodgien, qui est le bénéficiaire final de cette loi ». Le texte, composé de 57 articles, doit être promulgué par le Roi avant son entrée en vigueur.

 Deuxième pays d’Asie le plus corrompu, selon une étude récente

Dans un rapport publié en 2009, la Banque mondiale soulignait que le Cambodge n’avait fait aucun progrès en matière de lutte contre la corruption.
Tout récemment, le cabinet Political and Economic Risk Consultancy (Perc), basé à Hong Kong, a dans une étude rendue publique mardi 9 mars, classé le Cambodge au 2ème rang des pays les plus corrompus, juste derrière l’Indonésie sur un échantillon constitué de 16 États de l’Asie-Pacifique. Avec un système de notation allant de 0 à 10, le Cambodge obtient un score de 9,10, derrière l’Indonésie (9,27) et devant le Viêtnam, (8,07). L’étude a été conduite auprès de 2 147 dirigeants d’entreprise d’Asie-Pacifique.
En 2008, le pays restait classé 166e sur 180 pays, selon l’indice de perception de corruption. Des résultats qui constituent un sérieux frein aux investissements étrangers et qui nuisent au développement du Cambodge.

 

Krystel Maurice