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Libéré en appel, le franco-cambodgien Mam Sonando reste condamné

Des centaines de supporters sont venus acclamer Mam Sonando hier, à sa sortie de prison et devant à son domicile.

Propriétaire de la radio indépendante Beehive, président de l’association des démocrates et opposant de longue date au Premier ministre cambodgien, ce franco-cambodgien de 71 ans avait  a été condamné le 1er octobre dernier à 20 ans de prison pour insurrection et incitation à l’usage d’armes contre l’état. Il était accusé d’avoir incité les paysans du village de Prama, situé dans la région de Kratié, à faire «sécession».
La dramatique intervention des policiers dans ce village s’était soldée par la mort d’une jeune fille 14 ans. Un verdict qui avait suscité de vives protestation dans le monde.

Lors de son procès en appel la semaine dernière, le procureur avait demandé de  lever les deux chefs d’inculpations les plus graves retenus contre lui -incitation à l’insurrection armée et usurpation des fonctions d’autorité- compte tenu de l’absence de preuves de son implication dans cette affaire. Mais il l’avait accusé d’incitation à la déforestation illégale, une peine passible de cinq ans de prison.

Jeudi, le juge a donc prononcé à son encontre une peine de cinq ans de prison, dont quatre ans et quatre mois avec sursis, pour ce motif. Libéré vendredi après avoir passé huit mois en prison, sa peine ne sera donc purgée que le 15 novembre 2016.
Chan Sovann and Touch Rin, deux villageois accusés en même temps que le journaliste, avaient été respectivement condamnés à trois et cinq de prison ferme. Leur peine a été levée «  en raison de leur faible niveau d’éducation » et ils ont eux aussi été libérés.

Épée de Damoclès

S’il s’est réjoui de la libération de son client, l’avocat de Mam Sonando s’est dit déçu par ce jugement qui laisse son client sous le coup d’une nouvelle inculpation. Les associations de défense des droits de l’homme, telle que la Licadho  ou Amnesty international estiment elles aussi que ce verdict résonne comme « une pression » et un « avertissement » sur ce militant politique déjà arrêté en 2003 et 2005 pour ses activités politiques et son opposition au premier ministre Hun Sen.

Même réaction pour Reporters sans frontières et le Cambodian Center for Independent Media (CCIM) qui se félicitent de savoir le journaliste enfin libre mais déplorent le manque de crédibilité juridique de la procédure judiciaire. « Une nouvelle fois, le Cambodge prouve que les tribunaux ne suivent pas la justice mais les ordres. Cette libération est le résultat des efforts conjoints déployés par ses soutiens cambodgiens et internationaux. Mais juridiquement, l’accusation – et a fortiori la condamnation – n’est pas acceptable. Une épée de Damoclès demeure suspendue au-dessus de la tête du journaliste tant que son sursis court », déclarent les deux organisations dans un communiqué.

 

Krystel Maurice