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Les Bunongs du Mondolkiri assignent le groupe Bolloré en justice en France

Le latex extrait de l'hévéa.

Une cinquantaine de fermiers de l’ethnie Bunong viennent d’attaquer le groupe Bolloré et la Compagnie du Cambodge devant le tribunal de Grande instance de Nanterre pour violation des droits de l’homme et du droit de l’environnement. L’affaire concerne la concession économique de Bousra dans le Mondolkiri, attribuée en 2008 par le gouvernement cambodgien, et sur laquelle la multinationale a développé une plantation d’hévéas de près de 7000 hectares.

Par cette plainte au civil adressée vendredi 24 juillet par l’avocat français Fiodor Rilov, les Bunongs réclament la restitution de leurs terres d’origine et plusieurs millions d’euros au titre des dommages et intérêts.

Les Bunongs vivent d’une agriculture traditionnelle et itinérante ainsi que de la cueillette des produits de la forêt. Animistes, leur système est fondé sur la protection des forêts sacrées et des lieux de sépultures de leurs ancêtres.
Selon les termes de l’assignation au tribunal, rapportés par Médiapart dans son article du 29 juillet, les Bunongs « ont été victimes d’une véritable catastrophe économique, sociale, environnementale et religieuse, entièrement imputable aux sociétés du groupe Bolloré qui les ont privés de leurs ressources et ont détruit leur cadre actuel et leurs lieux de culte ». Le groupe a « massivement lancé les opérations de déforestation, de déplacement des populations locales, de destruction des lieux de culte et de sépulture ».

Comme nous le relations dans cet article du 30 mai, les Bunong avaient menacé de détruire les hévéas de la Socfin-KDC, la filiale en charge des plantations au Cambodge dans laquelle le groupe Bolloré est le principal actionnaire. En 2011 déjà, la Fédération internationale des droits de l’homme avait dénoncé dans un rapport la situation qui leur était faite et réclamé la suspension « de toutes ses opérations jusqu’à ce que les différends en cours, portant sur les terres en jachère, l’indemnisation, les réinstallations, les conditions de travail soient réglés ».

Le groupe Bolloré, actionnaire à 38% dans la Socfin-KDC, renvoie la balle dans le camp de sa filiale et affirme ne prendre aucune part dans la gestion de ses plantations. Ce n’est pas l’avis de Fiodor Rilov, l’avocat des Bunongs, qui estime que les sociétés du groupe « dirigent et organisent au quotidien les activités » de la Socfin-KCD.

La situation de la plantation du Cambodge est cependant loin d’être un cas isolé. Au Cameroun, au Liberia, en Côte d’ivoire et en Sierra Leone, les agissements du groupe ont provoqué la colère des paysans regroupés désormais dans un collectif international. Dans une lettre ouverte remise à Vincent Bolloré en juin 2013, ils y dénonçaient « l’accaparement aveugle des terres ne laissant aux riverains aucun espace vital », même pas pour développer des cultures vivrières, la « faiblesse des compensations accordées aux populations riveraines » ou la « réduction forte des services et des contributions au développement social des villages ».

Et durant le printemps, plusieurs actions ont été menées par les militants dans ces plantations. En France, le 4 juin, à l’occasion de l’assemblée générale du groupe, des Congolais, soutenus par plusieurs ONG et la Confédération paysanne étaient venus planter du manioc sur les pelouses de la tour Bolloré, à Puteaux.

 

Krystel Maurice