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Hun Sen: pas d’accord politique pour libérer les opposants

Les onze membres de l'opposition aujourd'hui incarcérés. Photo page Facebook de Kem Sokha

Le Premier ministre Hun Sen a rejeté hier tout accord politique avec l’opposition qui conduirait à la libération des onze militants condamnés à des peines de 7 à 20 ans de prison la semaine dernière pour « insurrection ».

Ces condamnations que le Premier ministre a d’ailleurs jugées « clémentes » ont été prononcées à la suite d’une manifestation organisée le 15 juillet 2014.
Les protestataires réclamaient la réouverture du parc de la Liberté à Phnom Penh mais la manifestation avait dégénéré. Des manifestants s’en étaient pris violemment aux hommes de main du pouvoir qui infiltraient les rangs des forces de police depuis des mois. Trente-neuf d’entre eux avaient été blessés.

La plupart des onze condamnés avaient été arrêtés dans les jours qui avaient suivi, avant d’être remis en liberté conditionnelle en avril 2015. Sept députés de l’opposition avaient également été incarcérés durant quelques jours.
A l’époque, les membres du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) qui contestaient le résultat des législatives refusaient de siéger au parlement. Mais le 22 juillet, à la suite d’un accord signé avec le parti au pouvoir, les députés de l’opposition avaient finalement pris leur place au parlement, mettant fin à l’impasse politique dans laquelle le pays se trouvait depuis un an.
Les sept députés de l’opposition avaient alors été libérés. Il reste qu’à ce jour, les charges qui pèsent sur eux n’ont toujours pas été levées.
Depuis les deux partis disent s’attacher à construire une « culture du dialogue » dont on ne sait trop ce qu’elle recouvre.

«  Je peux rencontrer tout le monde, sauf des terroristes mais s’ils viennent me parler de problèmes judiciaires, ce qui n’est pas en mon pouvoir, alors je ne parlerais pas avec eux », a souligné hier le Premier ministre.

Cour d’appel

Plus tôt dans la matinée Kem Sokha, le vice-président du Parti du sauvetage national du Cambodge, accompagné d’une délégation de membres de son parti, avait rendu visite aux onze prisonniers.« Pourquoi la cour a-t-elle décidé de les condamner alors que leurs avocats étaient absents ? », a-t-il déclaré à l’issue de cette visite.
A l’exception d’une avocate, les autres conseils des prévenus avaient en effet boycotté l’audience pour protester contre la décision soudaine du tribunal d’accélérer les procédures de ce dossier. C’est l’un des arguments juridiques solides, qui selon Kem Sokha, pourrait permettre de déboucher sur une libération des prisonniers. Une telle décision serait alors bien dans l’esprit de « la culture du dialogue », a-t-il ajouté en substance.

A Genève, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a lui aussi fait état, dans un communiqué publié vendredi, d’irrégularités dans ce procès évoquant des témoignages à la crédibilité douteuse et l’absence de preuve attestant de la participation effective des condamnés à ces violences.

Les États-Unis, via leur ambassade à Phnom Penh, ont eux aussi fait part samedi de leur « profonde inquiétude » quant au déroulement de ce procès. « Le groupe qui inclut Meach Sovannara, un citoyen américain, a été reconnu coupable à l’issue d’une procédure sommaire et a été condamné à des peines que beaucoup considèrent comme inappropriées. », affirme ce communiqué. « Nous pressons le gouvernement cambodgien de soigneusement réexaminer ses procédures judiciaires afin de s’assurer qu’elles sont complètes et transparentes et en accord avec les lois nationales et internationales. »

La réaction du gouvernement ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué publié samedi, l’Unité de presse et de réaction rapide du Conseil des ministres a considéré que le soutien des États-Unis à « des criminels » pouvait être considéré comme une tentative de « détruire la sécurité et l’harmonie de toute la société cambodgienne».

 

 

Krystel Maurice