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Retour à la case prison pour onze militants de l’opposition

Les onze militants de l'opposition condamnés ce 21 juillet à de lourdes peines pour "insurrection".

Onze membres du parti d’opposition ont été incarcérés mardi à la prison de Prey Sar à Phnom Penh à l’issue d’un jugement les condamnant à des peines de 7 à 20 ans de réclusion pour « insurrection ». La plupart d’entre eux avaient été arrêtés dans les heures qui avaient suivi une manifestation organisée le 15 juillet 2014. Les protestataires réclamaient la réouverture du Parc de la liberté et la fin des violences à l’égard des opposants. Fermé depuis le 4 janvier, au lendemain d’une répression sanglante contre les ouvriers du textile, ce parc est le seul endroit dans la capitale où les manifestations sont tolérées par le pouvoir.

Ce 15 juillet, le parc était ceinturé de barrières et les forces de police en barraient l’accès. Comme à chaque manifestation depuis des mois, des groupes de civils casqués, recrutés au jour le jour par les autorités, s’apprêtaient à en découdre avec les manifestants, bâtons en mains. Et lorsqu’ils avaient arraché une bannière installée par les manifestants, le rassemblement pacifique avait dégénéré. Une cinquantaine de personnes avaient été blessées, la plupart du côté de ces hommes de main.

A l’issue d’un procès bâclé, le juge Lim Makaron a estimé que les 11 membres du sauvetage national présents dans le box des accusés étaient coupables d’avoir tenté de fomenter une « insurrection » en participant à cette manifestation conduite par les députés de leur parti.

Accusé d’avoir « conduit l’insurrection », Meach Sovannara, chef du département d’information du Parti du sauvetage national du Cambodge, a été condamné à 20 ans de prison tout comme Khin Chhumroeun, le président de la jeunesse du Parti et Oeur Narith, l’assistant de la députée Mu Sochea. Les huit autres militants ont été condamnés à sept ans de prison pour avoir participé à «l’insurrection ».

Durant les heures qui ont suivi ces lourdes condamnations, un silence assourdissant a régné dans les rangs de l’opposition. Sam Rainsy a, comme à son habitude, pris l’avion pour la France. En ce 22 juillet, jour anniversaire de l’accord passé l’an dernier avec le Parti du peuple cambodgien au pouvoir, il s’est contenté, sur le site internet de son parti et sur sa page Facebook, de prôner une fois de plus la « culture du dialogue » sans faire allusion à ces condamnations.

Et c’est par un communiqué laconique publié plus tard dans la journée de mercredi que le Parti national du sauvetage du Cambodge exprimera « sa surprise et son vif regret » à l’annonce de ces condamnations qui « ravivent les tensions politiques » qui « ne sont pas dans l’esprit » de l’accord passé l’an dernier avec le Parti du peuple cambodgien.

Dans ce jeu politique qui consiste, pour le Premier ministre Hun Sen, à emprisonner les opposants pour faire pression sur l’opposition, – un exercice auquel il s’était déjà livré à la veille des élections  de la nouvelle commission électorale- force est de constater que la stratégie de l’opposition est inaudible. Reste à savoir combien de temps elle pourra poursuivre dans cette voie qu’il lui plait de baptiser « culture du dialogue ». Face à la brutalité des réponses du pouvoir, il est difficile d’imaginer que le selfie pris le 11 juillet entre Sam Rainsy et Hun Sen à l’occasion d’un diner entre leurs deux familles puisse suffire à illustrer ce fameux « tournant historique » du Cambodge. Et si anniversaire il y a, un an tout juste après l’accord entre les deux partis, il est bien plutôt marqué d’une pierre noire, celle du retour à la case prison pour onze militants.

 

Krystel Maurice