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Trafic humain en Thaïlande: deux journalistes devant la justice pour avoir dénoncé la corruption

Le procès d'Alan Morison et de Chutima Sidasathian, journalistes à Phuketwan doit s'ouvrir le 14 juillet à Phuket. Ils risquent sept ans de prison. Photo fournie.

Un journaliste australien et sa consœur thaïlandaise comparaitront à partir du 14 juillet devant le tribunal de Phuket où ils risquent jusqu’à 7 ans de prison. Alan Morison, rédacteur en chef de Phuketwan, un petit site d’information, ainsi que la journaliste Chutima Sidasathian, sont accusés par la Marine royale thaïlandaise de diffamation et de violation de la loi sur les crimes.
Ils ont été inculpés en décembre 2013 pour avoir cité, dans un article du 17 juillet publié sur le site,  un passage d’une enquête de l’agence Reuters. Cet extrait de Reuters affirmait que certains membres des forces navales thaïlandaises seraient payés par les trafiquants pour fermer les yeux sur le passage clandestin de réfugiés rohingyas.
Les deux journalistes de Phuketwan ont été parmi les premiers à dénoncer le trafic humain dont étaient victimes les membres de la communauté rohingya. Dimanche, Alan Morison a annoncé la fermeture du site internet en Thaïlande cette semaine, une fermeture qui sera peut-être définitive compte tenu des charges qui pèsent contre les deux journalistes.

L’agence Reuters qui, en avril 2014, a reçu le prix Pulitzer pour cette enquête, a été menacée de procès mais n’a finalement pas été inquiétée par les autorités thaïlandaises.

« Ce procès à l’encontre de deux journalistes, qui n’ont fait qu’effectuer leur mission d’information avec le plus grand professionnalisme, représente un grand danger pour l’ensemble des voix indépendantes aspirant à la liberté d’expression et de l’information, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières qui assistera au procès mardi à Phuket. Nous exhortons Prayut Chan-o-cha et son gouvernement à cesser sa politique de répression à l’égard de la presse. Ils doivent comprendre que les médias ne sont pas une menace à la sécurité nationale ni à la stabilité politique mais contribuent au contraire à l’amélioration de la société. »

Suite à la récente découverte dans la jungle thaïlandaise de fosses communes et de camps dans lesquels des Royingas étaient détenus, le général Prayut a, sous la pression internationale, ordonné des enquêtes afin de rechercher les complices des trafiquants. Ce qui a « conduit à au moins une arrestation d’un responsable militaire et à la mutation de plusieurs autres membres des forces de sécurité», souligne le Comité de protection pour les journalistes, un organisme basé à New York, dans un courrier au chef de la junte daté du 11 juillet. « Nous pensons que les charges retenues contre Morison et Chutima visent à décourager d’autres journalistes d’enquêter sur ces questions politiquement sensibles de trafics humains dans votre pays », ajoute Joel Simon, le directeur du Comité dans cette lettre .

Krystel Maurice