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Plongée dans les eaux troubles d’un accord de cessez-le-feu

La légende de la photo précise:”Le Premier ministre Abhsit Veijajiva dit que les troupes sont en alerte, et si les officiers thaïlandais et cambodgiens l’ont évoqué, aucun accord formel n’a été passé, ni n’est prévu.”

Un accord de cessez-le-feu a-t-il, oui ou non, été signé samedi entre l’armée thaïlandaise et cambodgienne ? Dimanche, le Bangkok Post annonçait au travers de trois articles publiés sur son site internet, la signature d’un accord entre les responsables des deux armées, évoquant cependant des incertitudes sur le caractère permanent de ce cessez-le-feu. Le quotidien de langue anglaise citant une source militaire anonyme, détaillait, par le menu le contenu de l’accord, portant sur huit points (voir ci-dessous) et affirmait que le cessez le feu était entré en vigueur à minuit trente.

Il énumérait les responsables militaires thaïlandais ayant participé à l’élaboration de cet accord et affirmait que la délégation cambodgienne était conduite par Hun Manet, le fils du Premier ministre cambodgienne.
Dans un autre article publié dimanche, le Bangkok Post rapportait également les propos du Premier ministre thaïlandais Abhisit tenus dimanche sur la chaine NBT lors de sa traditionnelle émission hebdomadaire. « L’accord de cessez-le- feu entre la Thaïlande et le Cambodge n’entrainera pas pour la Thaïlande une perte de son territoire, comme certains le prétendent » rapportait le site du journal, rapportant les propos du Premier ministre entre guillemets.

Enfin dans un troisième article, il publiait la réaction du PAD  (les chemises jaunes) dénonçant ce cessez-le- feu.

Panthep Puapongpan, le porte-parole du PAD, le qualifiait de « dangereux » car il plaçait la Thaïlande en situation de perdant. Chamlong Srimuang, l’un des principaux dirigeants des Chemises jaunes, soulignait, lui, que « les huit points de l’accord permettaient, de fait, au Cambodge d’occuper à 100% le secteur disputé ».

Mais ce matin, surprise, le Bangkok Post, titre en Une de son site « Il n’y pas de cessez le feu». La photo de une est explicite et l’article s’intitule : « Le Premier ministre dément la signature d’une trêve »

Pour autant, aucune citation propre du Premier Ministre allant dans ce sens ne figure dans le texte. Évoquant l’accord qui aurait été passé la veille par les militaires et annoncé par le site du journal, l’auteur de l’article botte en touche. Il se contente de reprendre la version de cette rencontre entre militaires donnée par le ministre des affaires étrangères thaïlandais.
La rencontre de samedi ne portait pas sur des négociations, affirme Kasit Piromya. « Il s’agissait simplement d’une discussion » dont les conclusions seront examinées par les instances supérieures, seules habilitées à décider de la suite à donner. Toute négociation formelle exige la participation des ministres de la défense des deux pays et doivent se tenir dans le cadre du Comité général des frontières, poursuit le ministre. Telle est la position de la Thaïlande, laquelle sera exposée demain, lors de la réunion des pays de l’Asean, explique t-il.

Enfonçant le clou, le ministre des affaire étrangère répète qu’un « accord de cessez le feu permanent entre les deux pays n’est pas nécessaire » et que la paix à la frontière peut être obtenue au travers de discussions bilatérales. Il admet cependant que l’Asean peut jouer le rôle de facilatateur dans les discussions entre la Thaïlande et le Cambodge.

Il ajoute que la Thaïlande pourrait proposer mardi 22 février lors de la réunion des pays de l’Asean, d’accueillir, le long de la frontière, coté thaïlandais, des observateurs de l’Asean qui se joindraient à ses troupes. Ils pourront ainsi, ajoute le ministre, constater que la Thaïlande n’est pas l’instigatrice des violences.

Cessez-le feu ou pas, le revirement du Bangkok Post illustre bien l’état de la presse en Thaïlande. Le journal, qui n’a jamais fait mystère de son soutien au gouvernement Abhisit, ne prend même plus la peine de justifier ou de maintenir des informations qu’il a lui-même révélées et mis en ligne la veille. A moins qu’il n’ait été contraint par le pouvoir de revoir sa copie, dans un contexte général où le contrôle des médias est un exercice de chaque instant depuis les sanglants évènements de mai.  Quoiqu’il en soi, une chatte n’y retrouve plus ses petits et pour le lecteur, qui mérite mieux que ces revirements inexpliqués, la confusion est totale.

Mais en tout état de cause,  en quoi la divulgation d’un accord de cessez- le- feu sur le terrain gène t-elle autant le gouvernement?  La très vive réaction des Chemises jaunes à cette annonce pourrait bien être un facteur d’explication.

Les Chemises jaunes campent toujours dans la capitale et réclament la démission du Premier Ministre, jugé trop conciliant à l’égard du Cambodge. A n’en pas douter, un cessez-le-feu entre les deux armées, qu’ils soient ou non permanent, apporterait de l’eau à leur moulin et constituerait un prétexte tout trouvé pour renverser le gouvernement.
L’accord de ce cessez-le feu est « dangereux », affirmaient-ils hier. Toute la question réside dans le fait de savoir pour qui ?

Krystel Maurice

L’accord de cessez-le-feu, selon le Bangkok Post
Le site du Bangkok Post détaillait dimanche l’accord de cessez le feu signé entre les deux armée. Outre le cessez le feu, lui-même, l’accord signé comprendrait également 7 autres points : aucun renfort de troupes supplémentaires ne sera déployé sur le secteur disputé autour du temple de Preah Vihear et celles qui s’y trouvent ne pourront se déplace ; Les armes lourdes et l’artillerie ne devront pas non plus être déplacées ; Aucun bâtiment ne pourra être construit dans le secteur disputé des 4,6 km2 le long de la frontière ; Aucun bunker supplémentaire ne pourra être construit ; Enfin, les responsables militaires des deux armées communiqueront à l’aide d’une ligne spécialement affecté à cet usage.

 

Krystel Maurice