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Le Cambodge réhabilite ses voies ferrées

Reconstruction du tronçon manquant entre Sisophon et Poïpet en février 2011. ©Krystel Maurice

La rénovation des deux lignes de chemin de fer du Cambodge, d’une longueur total de 652 kilomètres, est en cours. Ce projet d’un montant de 148 millions de dollars est destiné à développer le transport des marchandises et à désengorger les routes. Il reste limité puisqu’il ne concerne pas le transport des passagers. Pour ce faire, il conviendrait de renouveler l’ensemble du matériel roulant, totalement vétuste, et de mettre en place une signalisation adéquate. Ce qui, pour l’heure, n’a pas été financièrement prévu.

Actuellement, le réseau ferré du Cambodge se limite à deux lignes, l’une au nord-ouest, l’autre au sud.
La première, construite en 1931 sous le protectorat français, relie la capitale à Poïpet, ville frontière avec la Thaïlande. D’une longueur de 346 kilomètres, elle dessert également Battambang.

L’autre ligne, aménagée en 1960 après l’indépendance du Cambodge, raccorde Phnom Penh à Kompong Som (ex Sihanoukville) soit 266 kilomètres.

Les guichets de la gare de Phnom Penh sont fermés, les trains n’acceptent plus de passagers. ©Krystel Maurice

Les guichets de la gare de Phnom Penh sont fermés, les trains n’acceptent plus de passagers. ©Krystel Maurice

La guerre et le démantèlement partiel des voies par les Khmers rouges ont détruit ces voies. Les habitants se sont débrouillés avec les moyens du bord, bricolant des charriots de fortune à  l’instar des norry du nord-ouest du pays. Au cours des quinze dernières années quelques rénovations ont eu lieu çà et là, mais rien de plus que du rafistolage. De rares trains ont continué de circuler jusqu’à la fin 2008 dans des conditions plus que chaotiques (voir ici la vidéo d’un passionné du rail qui en avril de cette année là a effectué le trajet Phnom Penh-Battambang).

Reconstruction du tronçon manquant entre Sisophon et Poïpet en février 2011. ©Krystel Maurice

Reconstruction du tronçon manquant entre Sisophon et Poïpet en février 2011.
©Krystel Maurice

Distorsion des voies ferrées. Non l'appareil photo n'est pas en cause! ©Krystel Maurice

Distorsion des voies ferrées. Non l’appareil photo n’est pas en cause! ©Krystel Maurice

C’est aussi en cette fin d’année 2008, qu’une société australienne, Toll Holding, appuyée par un partenaire local, Royal Group, a obtenu la concession  des chemins de fer du Cambodge pour une durée de trente ans.
Une mise en concession exigée par la Banque asiatique de développement (BAD), principal bailleur de fond de ce projet de rénovation des chemins de fer cambodgien. L’Australie, les pays de l’OPEP, la Malaisie et bien sur le Cambodge contribuent également à ce projet.
La société franco-belge TSO, en joint-venture avec Nawarat, une compagnie thaïlandaise, a été chargée des travaux de réhabilitation proprement dit.

 

Convois de marchandises

 

L’objectif est donc d’améliorer le réseau pour faciliter le transport des marchandises. La sécurité des convois sera enfin assurée-les déraillements étaient légion- tandis que la vitesse passera de 20 km/h à 50 km/h.
En ce qui concerne les deux lignes existantes au Cambodge, la priorité était de remettre en état la ligne reliant Kompong Som (ex-Sihanoukville) à Phnom Penh afin de faciliter le transport des marchandises depuis le port de Kompong Som. La majorité des importations du Cambodge arrivent en effet dans ce port avant d’être acheminées par la route vers la capitale. Chaque année, 200 000  à 300 000 containers empruntent ainsi l’unique voie d’accès menant à Phnom Penh. Accidents, pollution, embouteillages, le trafic sur cet axe est saturé.

La rénovation de cette ligne de chemin de fer est en cours. Un tout nouveau tronçon de quelques kilomètres près de Phnom Penh devrait permettre de desservir la nouvelle gare, l’ancienne, située en centre ville, n’étant plus adaptée.  Cette nouvelle gare sera bâtie dans la zone économique de Samrong, à 5 kilomètres de la capitale. Elle devrait être achevée en 2013. Que deviendra la gare actuelle ? Pour l’heure, on l’ignore.

 La gare de Phnom Pehn. ©Krystel Maurice

La gare de Phnom Pehn. ©Krystel Maurice

Le hall de la gare de Phnom Penh.©Krystel Maurice

Le hall de la gare de Phnom Penh.©Krystel Maurice

Sur les quais de la gare. ©Krystel Maurice

Sur les quais de la gare. ©Krystel Maurice

 

La ligne du nord, entre Phnom Penh et  la Thaïlande, via Battambang est, elle aussi, en travaux.
Outre la rénovation de la voie, un nouveau tronçon de 48 kilomètres est en cours de construction entre Sisophon et Poïpet, les Khmers rouges ayant détruit toutes les infrastructures du secteur.

Singapour-Kunming en train

Mais au delà, cette réhabilitation devrait aussi donner le coup d’envoi d’un projet plus ambitieux porté depuis des années par l’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-Est) qui consiste à relier, Singapour à Kunming, en Chine, en passant par la Malaisie, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam. Or, le Cambodge était jusqu’ici le principal chainon manquant de ce gigantesque tracé commercial. Avec lui, restera à créer, coté thaïlandais, quelques kilomètres de rails pour rejoindre Poïpet. Une ligne entre le Cambodge et le Vietnam devra également être crée. Ce dernier projet, auquel la Chine s’intéresse de près, est en phase d’études.

 

Familles déplacées : une situation intenable

 

derailed cambodia

Plus de 4164 familles installées le long de ces deux lignes ont été affectées par ces travaux. 1200 d’entre elles ont été déplacées mais la branche cambodgienne de l’ONG Bridges Across Borders dénonce, dans un rapport rendu publique le mois dernier, les conditions dans lesquelles ces déplacements se sont déroulés et les effets désastreux qui en résultent pour ces populations ( ce rapport en anglais est disponible ici).

Les autorités locales ont exercé contrainte et intimidation auprès des familles concernées, souligne l’ONG. Dans ce climat de peur, bon nombre d’entres elles ont accepté des compensations financières très faibles et se retrouvent aujourd’hui en grande difficulté.

Aucun des cinq sites supposés les accueillir ne disposait de d’équipement minimal, à commencer par un accès à l’eau potable. Très éloignés de leurs habitations d’origine et de leurs lieux de travail, ces sites n’offrent, en sus, aucune perspective de revenus.
Faibles compensations financières, augmentation des dépenses et baisse des revenus, la conjugaison de ces facteurs a conduit  bon nombre de famille à basculer dans la spirale infernale de l’endettement. D’autres ont été incapables de reconstruire une maison, toutes se sont appauvries depuis qu’elles ont été déplacées, affirme Bridges Across Borders

« Il est inacceptable de faire payer le prix du développement économique aux plus pauvres mais c’est d’autant plus scandaleux lorsque ce projet est financé par les grandes agences internationales dont la mission est de réduire la pauvreté ».

 

Krystel Maurice