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Meurtre de Chut Wutty: l’enquête officiellement bouclée après l’inculpation d’un suspect

En trois jours seulement, le gouvernement a bouclé l’enquête sur le meurtre du militant écologiste Chut Wutty. En prenant soin d’écarter toute implication de la hiérarchie militaire dans le trafic illégal du bois. ©Cambodian Center for Human Rights

Nous l’annoncions samedi mais c’est désormais officiel: l’enquête sur le meurtre de l’écologiste Chut Wutty est close. C’est ce qu’a annoncé samedi le  gouvernement cambodgien après l’inculpation pour homicide involontaire de Ran Boroth, un agent de sécurité de la compagnie Timbergreen.

Chut Wutty, un militant de premier plan qui luttait contre la déforestation au Cambodge accompagnait deux journalistes du Cambodia Daily dans la forêt centrale des Cardamomes (province de Koh Kong). Il a été abattu le 26 avril par un policier, lui même tué peu après.

Une enquête éclair, menée en trois jours seulement, qui laisse les associations de défense des droits de l’homme pour le moins sceptiques.

Selon la thèse officielle du gouvernement, le militaire In Rattana a abattu Chut Vutty. In Rattana a ensuite été tué par des balles provenant de son arme personnelle, lors d’une rixe avec Ran Boroth, un agent de sécurité employé par Timbergreen qui tentait de le désarmer.

Une thèse qui contredit les précédentes, dont la dernière en date avancée par la police militaire de la province Koh Kong, selon laquelle le militaire, après avoir tué Chut Wutty, soudain pris de remord, aurait retourné l’arme contre lui et se serait suicidé de deux balles d’AK-47 dans la poitrine.

La version officielle est, selon Tith Sothea, porte parole du gouvernement et membre de la commission d’enquête gouvernementale « le résultat clair et authentique de l’enquête,  confirmé par des témoins. On se moque d’être critiqués par les associations. Notre commission a montré la vérité au public et rendu justice aux familles des victimes. Notre travail est terminé ». Des propos tranchants qui ne supportent pas la contradiction.

Une dispute d’ordre personnel

 

Pour le gouvernement, In Rattana a agit seul. Il n’avait aucune relation avec Timbergreen, la compagnie autorisée par le gouvernement à nettoyer le secteur afin de permettre à une société chinoise d’y construire une barrage. Et surtout, In Rattana n’avait reçu aucun ordre de la hiérarchie militaire. S’il a été tué, c’est suite à une dispute d’ordre strictement personnel.

Non seulement, cette version a l’avantage de balayer l’hypothèse du  suicide du militaire, peu crédible pour qui connait le Cambodge, mais, cerise sur le gâteau, elle dédouane les militaires d’une quelconque implication dans le trafic de bois de la région. C’est en tout cas ce que le gouvernement a commencé de marteler samedi et il y a fort à parier qu’il n’est pas prêt  de s’arrêter en si bon chemin.

La femme de Chut Wutty, qui a rejeté ces explications et qui reste convaincue que son mari a été abattu pour d’autres raisons que celle avancée, a confirmé hier son intention de porter plainte en justice.
Les associations de défense des droits de l’homme qui ont mené leur propre enquête devraient, quant à elles, rendre leurs conclusions dans les jours à venir.

 

Krystel Maurice