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Dans les montagnes des Cardamomes, récit de deux morts

Le Cambodia Daily dans son édition du 28 avril a publié le récit des deux journalistes qui se trouvaient en compagnie de Chut Wutty, lorsqu’il a été tué.

Voici un résumé de ce récit.

Selon le récit publié par le quotidien anglophone Cambodia Daily dans son édition du week-end,  Phorn Bopha et Olésiia Plokhii, deux journalistes âgées de 27 ans accompagnaient le militant écologiste Chut Wutty.
Depuis 2001, celui-ci tentait de lutter contre la déforestation au Cambodge. Il enquêtait notamment sur le trafic de bois dans la région situé entre Koh Kong et Pursat et les journalistes escomptaient rédiger un article sur le sujet.

Les  deux reporters avaient souhaité s’arrêter face à quelques maisons de bois devant lesquelles étaient entreposées des racines utilisées dans la médecine traditionnelle.
«  Faites vite »,  leur avait lancé Chut Wutthy qui avait prévenu qu’ils n’étaient pas les bienvenus dans le secteur. Ils s’étaient dirigés tous trois entre les maisons. Elles avaient commencé d’interviewer quelques habitants sur les procédés fabrications de ce qu’on appelle le vin jaune, utilisé notamment pour soigner les maux d’estomac.
Wutty, lui, prenait des photos des tas de racines stockés devant les maisons. Un homme en short bleu l’avait alors interpellé lui demandant de ne plus prendre de photos et de partir.
Les interviews avaient duré une dizaine de minutes.

Lorsque les deux journalistes étaient retournées près de la voiture, Wutty discutait avec un homme en tenue de militaire de couleur beige. Un autre habillé en civil, se tenait à proximité.
L’homme en beige a dit à Wutty et aux deux journalistes qu’ils ne pouvaient quitter les lieux tant qu’ils n’auraient pas parlé à ses supérieurs. Il a refusé de décliner son identité, tout comme il a refusé de répondre aux questions d’une des journalistes qui lui demandait pour qui il travaillait et s’il était un garde privé ou un militaire.
Wutty a essayé de monter dans sa voiture mais l’homme l’en a empêché et une bousculade s’en est suivie.
Trois hommes à moto sont alors arrivés : deux étaient en uniformes militaires, le troisième, qui sentait l’alcool, portait un treillis et un masque chirurgical. Les trois étaient armés de fusils d’assaut AK-47.
Cinq hommes entouraient donc Wutty dont trois étaient armés. Ils lui ont ordonné de s’éloigner de sa voiture et voulait l’emmener à Koh Kong pour voir leur « patron », sans toutefois jamais prononcer de nom.

La tension montait et Wutty a demandé à Olésiia Plokhii, l’une des  journalistes de prendre des photos.
Mais l’homme avec le masque chirurgical l’en a empêché et en lui arrachant l’appareil photo, l’a blessant à la lèvre. Vutty a répété qu’il allait partir. Les deux journalistes sont montées dans le véhicule mais une nouvelle fois, l’homme qui portait le masque, s’est interposé et s’est battu avec Wutty pour l’empêcher de partir. Puis il s’est précipité vers l’arrière du véhicule et a pris le deuxième appareil photo qui se trouvait sur le siège.
Ils ont enfin autorisé Wutty à partir, peut être parce qu’ils étaient satisfaits d’avoir subtilisé les appareils photo.

Mais le véhicule a refusé de démarrer, la batterie était manifestement à plat. Wutty s’énervait en tentant de la faire repartir et a demandé aux journalistes de sortir du véhicule pour le pousser. Les hommes sont alors revenus vers eux et une nouvelle altercation a eu lieu. Wutty les accusait de les avoir traités comme des brutes. Les militaires ont alors réclamé le troisième appareil qui se trouvait dans la voiture.C’était l’appareil de Wutty, un Canon d’un modèle couteux. La tension est un peu redescendue.

A plusieurs reprises lorsque Wutty parvenait à relancer le moteur du véhicule avec la clé, l’un des soldats coupait le contact.
Lorsque le moteur est enfin parti, Chut Wutty a crié aux journalistes de monter dans la voiture. Phorn Bopha est montée à l’arrière et  Olésiia Plokhii, côté passager. Phorn Bopha était en train d’appeler le rédacteur en chef du journal pour l’informer de ce qui se passait, lorsque deux tirs ont atteint le véhicule. Aucune des deux journalistes n’a vu d’où ils venaient. Les deux reporters se sont précipitées hors de la voiture et ont couru le long de la piste pour rejoindre la forêt toute proche.

Lorsqu’elles sont revenues quelques instants plus tard, l’un des soldats gisait à terre et Chut Vutty était affalé au volant de sa voiture. Les autres soldats se trouvaient dans une baraque à proximité mais aucun d’eux n’a tenté de les secourir, alors qu’ils semblaient encore en vie. Olésiia Plokhii a récupéré sa trousse de secours dans son sac et a essayé de soigner Wutty mais il était trop tard, il ne réagissait plus. Il avait un trou dans le genou et son abdomen saignait.

Les journalistes se sont alors réfugiées dans une habitation. Deux nouveaux soldats, également en uniforme beige, ont surgi de deux maisons. L’un a crié en hurlant «  Tuer les tous ». Il a dit aux autres qu’ils devraient pousser la voiture dans la forêt. Le corps du militaire tué a été emmené dans une maison. Quelques instants plus tard, un autre militaire est arrivé à moto. C’était un ami de In Rattana. Furieux il s’est approché de Bopha d’un air menaçant. Mais un soldat s’est interposé.

Une heure et demie plus tard, la police et des militaires sont arrivés sur les lieux  pour enquêter. Ils ont offert de l’eau et de la nourriture aux deux reporters, précisant qu’elles n’étaient pas détenues. Les soldats présents sur les lieux au moment de la fusillade étaient toujours là et discutaient avec ceux qui venaient d’arriver.

Plus tard encore, en présence d’un représentant de la justice le corps de Chut Wutty a été ôté de son vehicule. Le cadavre du policier et celui de Chut Vuty ont été évacués sur la ville de Koh Kong.

 

Krystel Maurice