En continu

Mahendraparvata surgit de la jungle du Phnom Kulen après 1200 ans d’oubli

Une équipe d’archéologues franco-australiens vient de mettre à jour une ville entière datant de 1200 ans, enfouie dans la jungle du Phnom Kulen, à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest d’Angkor.

Grâce à une technologie récente ayant recours au laser appelée Lidar, les archéologues ont maintenant une vision totale  de ce qu’était la cité de Mahendraparvata. Fondée en l’an 802 par Jayarvarman II, cette capitale dont on ignore tout est à l’origine de l’empire Khmer.

Fixé à un hélicoptère, le Lidar permet grâce à des milliards d’impulsions laser d’explorer sols et sous-sols à travers la jungle la plus épaisse, fournissant des données qui auraient pris des années de recherches sur le terrain.
Une campagne d’exploration ayant recours à cette technologie a été réalisée pour la première fois en 2012, presque une première mondiale dans le domaine de la recherche archéologique. Et l’analyse de ces données révélées aujourd’hui est un succès.
« Nous savions que Jayavarman II avait fondé une capitale sur la montagne puisque des textes anciens y faisaient référence mais nous ne savions pas comment elle s’organisait. Maintenant nous en avons une image complète », explique Jean-Baptiste Chevance, directeur de la Fondation Archéologie et Développement basée à Londres, qui a codirigé les recherches avec Damien Evans  de l’Université de Sydney.

28 nouveaux temples révélés

Et les archéologues ont été stupéfaits de voir que les 36 vestiges de temples qui avaient déjà été répertoriés sur l’ensemble du Phnom Kulen étaient en fait reliés par un réseau de routes, de digues, de bassins et de canaux, suivant une disposition parfaitement organisée en forme de carré.
Autre révélation de l’imagerie fournie grâce au Lidar, 28 temples jusqu’ici inconnus, auraient été repérés ainsi que des douzaines de sculptures dans le lit d’une rivière.

En vert sur cette carte en relief du Phnom Kulen, les secteurs qui avaient déjà été explorés. En rouge, les infrastructures et édifices décelées par le lidar montrent que la cité était beaucoup plus étendue qu’on l’imaginait. Carte de la Fondation Archéologie et Développement.

En vert sur cette carte en relief du Phnom Kulen, les secteurs qui avaient déjà été explorés. En rouge, les infrastructures et édifices décelés par le Lidar montrent que la cité était beaucoup plus étendue qu’on l’imaginait.
Carte de la Fondation Archéologie et Développement.

A partir de ces nouvelles données retranscrites sur des cartes,  GPS en mains, les deux archéologues sont retournés explorer la jungle inextricable du Phnom Kulen. Ils y ont notamment découvert cinq temples de briques jusque là inconnus de tous,  des habitants des environs comme des pilleurs, sans doute en raison des très grandes difficultés d’accès.

Des  découvertes très prometteuses qui permettront sans doute d’en savoir plus sur cette civilisation dont on ignore tout, à commencer par les raisons pour lesquelles elle a disparu.« Sa disparition pourrait être due à la déforestation qui aurait profondément transformé l’environnement, conjuguée  à des difficultés d’approvisionnement en eau. C’est l’une des hypothèses sur lesquelles nous travaillons actuellement », explique Damien Evans.

Fondée quelque 80 ans avant la construction des temples de Rolûos, les édifices les plus anciens d’Angkor, et quelque 350 ans avant Angkor Wat, Mahendraparvata est à l’origine de l’identité khmère. C’est sur cette colline que Jayarvarman II proclama l’indépendance du Royaume, jusque là rattaché à Java. Pour tous les Cambodgiens, le Phnom Kulen est aujourd’hui un site sacré.

Les récentes découvertes pourraient permettre de faire inscrire le site du Phnom Kulen  au patrimoine mondial de l’Unesco afin de le protéger. En 1992, lorsque qu’Angkor a été inscrit sur la liste du patrimoine, la question ne se posait. Le secteur était impraticable, miné de part en part et occupé par les Khmers rouges. Mais les révélations du Lidar ont changé la donne et il serait logique d’inclure aujourd’hui cette zone dans le périmètre d’Angkor.C’est en tous cas ce que souhaitent les archéologues et l’Autorité Apsara, en charge de la gestion des temples. Le processus n’en est qu’à son début et nécessitera au moins trois longues années avant d’aboutir.

L’usage de ce Lidar ne s’est cependant pas limité au Phnom Kulen. D’autres secteurs ont été inspectés et comme nous le verrons dans un prochaine article, ces investigations bouleversent les connaissances acquises jusqu’ici sur Angkor.

 

Krystel Maurice