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Cambodge : Kompong Phhluk au rythme des eaux du Tonlé Sap

A Kompong Phhluk, la pêche à la crevette fait vivre une grande partie du village en dépit d'une nette diminution de la production ces dernières années. Chaque matin les femmes les exposent au soleil pour les sécher. Le soir venu, elles sont remisées sous les maisons.Trois ou quatre jours de séchage sont nécessaires.

Perchées à six ou sept mètres au-dessus du sol dans un enchevêtrement de bois, deux rangées de maisons, serrées les unes contre les autres, surplombent  le chenal qui conduit au lac Tonle Sap. A la saison des pluies, de juin à novembre, l’eau  affleure les terrasses et c’est en barque que les quelque six cent familles du village se déplacent pour aller d’’un endroit à l’autre. Car si Kompong Phhluk n’est pas un village flottant, il vit  au rythme du lac qui grandit et rétrécit en fonction des saisons.

A la saison sèche, de novembre à avril, le Tonlé Sap se jette dans le Mékong. Mais à la saison des pluies, lorsque les neiges de l’Himalaya gonflent le fleuve, le flux devient trop fort et le courant s’inverse. Un phénomène que l’on dit unique au monde et qui génère un écosystème d’une richesse exceptionnelle.  De 2 700 km², le lac s’étire jusqu’à 12 000 km², multipliant sa superficie par quatre. L’immense étendue d’eau douce couvre alors 7 % du territoire cambodgien. La végétation et les chemins sont immergés, les bateaux se fraient des passages entre la cime des arbres.

Plus tard, l’eau redescend, les feuilles des arbres reverdissent, et les hommes repartent chercher leurs moyens de subsistance dans cette nature généreuse. Trois cent mille tonnes de poissons sont pêchés chaque année dans le lac, d’innombrables variétés de poissons-chats, des carpes, de petits poissons que l’on fume et que l’on appelle ici langue de chiens, des millions de crevettes d’eau douce, des escargots d’eau…Ils sont marinés dans le sel ou dans la saumure, séchés ou réduits en pâte.

A Kompong Phhluk comme ailleurs sur les rives du lac, l’homme et l’eau ne font qu’un. Elle le nourrit, le lave et le rend heureux, dit-on ici. « Regarde ce chien comme il est content de gambader, il est resté des mois enfermé dans la maison, comme nous ».

A la différence de tant de villages cambodgiens, Kompong Phhluk regorge de vitalité. Partout où porte le regard, on s’active, indifférent à l’étranger de passage : trieuses de crevettes, vendeuses de gaufres, fumeuses de poisson, jardiniers, menuisiers, livreurs de glace, vendeuses de légumes.

La nuit y est aussi plus courte qu’ailleurs. Les moteurs de bateaux pétaradent dès 2 heures du matin, les coqs y perdent leur latin, les chiens se battent, un gamin se met à hurler, ses compères du quartier redoublent de pleurs, les moines entament leurs chants, il est déjà 5h.Trop tard pour se rendormir, les pêcheurs rentrent au village. Entre fumées et brumes, les gamins parcourent déjà l’allée centrale du village en riant.


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Texte et Photos Krystel Maurice