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Epidémie de sida: le «médecin» inculpé d’assassinat

Yem Chroeum, le médecin sans diplôme qui exercait à Roka depuis des années a été inculpé et placé en détention provisoire. Ici, à gauche, à sa sortie du commissariat de la province de Battambang. Photo fournie.

Le « médecin » non diplômé qui exerçait dans le village de Roka, aujourd’hui durement touché par une épidémie de sida, a été inculpé d’assassinat hier par le tribunal de Battambang.
Il a également été accusé d’avoir transmis « intentionnellement » le virus et d’avoir exercé sans l’agrément du ministère de la santé, des accusations passibles de la prison à vie. Il a été placé en détention provisoire.

Lors de ses interrogatoires, Yem Chroeum aurait reconnu avoir réutilisé à plusieurs reprises des seringues usagées sur les patients. Selon le chef-adjoint de la police de Battambang, il aurait même  avoué avoir demandé à son gendre de brûler les déchets derrière sa maison « afin de détruire toutes les preuves. » « Il n’a aucune qualification pour exercer, il a simplement appris des notions de médecine lorsqu’il se trouvait dans les camps de réfugiés en Thaïlande». Il n’a pas non plus reçu l’autorisation du ministère de la santé pour exercer, ajoute-t-il.

La nature de ces charges est pour le moins surprenante. La cour devra en effet maintenant prouver que l’accusé a agi « intentionnellement ». Elle devra démontrer – ce qui ne sera pas une mince affaire- qu’il savait les aiguilles infectées et qu’il les a utilisées en toute connaissance de cause. Pour l’heure, le magistrat Heng Luy, à l’origine de ces inculpations, reconnait lui-même :« Nous ne pouvons conclure s’il avait ou non l’intention de le faire. Ses réponses semble dissimuler beaucoup d’autres choses ».

 

« Nous avons besoin de travailler en toute indépendance »

 

Une fois de plus, l’appareil policier et judiciaire semble s’être emballé au risque de brouiller les cartes et de rendre l’affaire inaudible.

Plusieurs experts de la maladie ont exprimé leurs doutes sur l’origine de la maladie et lancé des appels à la prudence « Nous sommes en train de faire une évaluation médicale. Nous ne savons pas quelle est l’origine de l’épidémie, cela peut être une combinaison de plusieurs facteurs. Nous avons besoin de travailler en toute indépendance», explique un médecin de l’OMS qui collabore aux recherches du ministère de la santé cambodgien.
Les chercheurs devront comprendre les modes de transmission, interviewer la population, connaitre le nombre de personnes infectées, des investigations médicales qui prendront des semaines, voire bien davantage.

Au moins 119 habitants du village de Roka ont été diagnostiqués positifs. Mais depuis ces chiffres annoncés vendredi par l’Institut Pasteur, plus aucun bilan n’a été divulgué.
Les autorités ont adopté une stratégie de communication des plus limitées. Seul le Docteur Mean Chhi Vun, directeur du Centre national de lutte contre le sida au département de la santé est habilité à s’exprimer devant les médias. Quant au site internet de ce centre, il continue d’afficher 72 personnes infectées au 17 décembre.

 

Krystel Maurice